En 1977, Yvette Bedin a fondé sa première agence immobilière en Gironde. Presque 45 ans plus tard, elle dirige avec sa fille Julie Bedin‑Pouquet, Cabinet Bedin Immobilier, un réseau de 65 agences immobilières et 380 collaborateurs. Elles reviennent pour nous sur la situation jamais vue dans laquelle la crise sanitaire a plongé le marché du sud‑ouest.
Pourriez-vous présenter Cabinet Bedin Immobilier à nos lecteurs ?
Yvette Bedin : Après mes études de droit, avec une orientation notariale, j’ai créé ma première agence à Pessac, en 1977. J’ai ensuite ouvert ma première succursale en 1984 et j’ai continué à faire grandir le réseau.
Depuis maintenant 20 ans, je dirige l’entreprise avec ma fille, Julie. Je suis plutôt chargée de la partie développement et recrutement. Elle s’occupe de la gestion du personnel. Mais nous travaillons ensemble sur tous les points, nous sommes indissociables.
Nos 65 agences se trouvent dans le Sud-Ouest. Nous sommes présents dans toute la Gironde, y compris le bassin d’Arcachon, dans les Landes et en Haute-Garonne, principalement à Toulouse. L’année dernière, nous avons dépassé les 2 000 transactions : 1 300 pour les achats-ventes et environ 900 pour les locations.
Notre spécificité, c’est notre fichier partagé, que nous avons mis en place très tôt. Il nous permet de présenter l’offre immobilière la plus large possible. Grâce à lui, toutes nos agences se partagent les affaires et les clients acquéreurs. Nous sommes un réseau succursaliste. À la différence d’un réseau de franchises, les collaborateurs travaillent tous pour la même maison-mère. Cela favorise la collaboration et évite la rivalité.
Comment se porte actuellement le marché immobilier dans le Sud-Ouest ?
Julie Bedin-Pouquet : Après le premier confinement, le marché avait repris très vite.
Après l’effet de rattrapage lié à la crise sanitaire, nous constatons également des envies de "changements". L’année 2021 sera très certainement historique !
Au Cabinet Bedin, nous avons réalisé un excellent premier semestre aussi bien en volume qu’en chiffre d’affaires.
Yvette Bedin : Cependant, le marché est assez compliqué, avec beaucoup de tensions sur l’offre. Il y a un décalage total entre une forte demande et l’offre. Les acquéreurs souhaitent devenir propriétaire pour trois raisons : les taux d’intérêts sont faibles, ils ont pu se constituer un apport en épargnant pendant la crise sanitaire et ils veulent s’éloigner des centres-villes.
Mais en face, il y a très peu d’opportunités. Contrairement à ce que nous connaissons habituellement, on ne peut pas dégager une tendance marquée. Ce n’est ni un marché de vendeurs ni un marché d’acquéreurs.
Bordeaux et Toulouse sont des grandes villes et des villes universitaires, nous constatons également une forte tension sur la location.
À Bordeaux, nous allons faire face à une situation inédite avec l’encadrement des loyers.
Nous espérons pour la population locale que les investisseurs et les propriétaires bailleurs ne se tourneront pas vers les plates formes de locations saisonnières pour compenser d’éventuelles baisses de loyers.
Car il deviendrait encore plus difficile de se loger.
Comment s’explique cette rareté de l’offre ?
Yvette Bedin : C’est une situation inédite et difficile à analyser.
Nous sommes aussi dans une région qui a connu une très belle remontée des prix. Certains propriétaires attendent peut-être, pensant que les prix vont encore augmenter. Mais c’est loin d’être le cas, dans les centres-villes notamment.
D’autres hésitent à vendre car ils ne trouvent pas de bien à acheter qui corresponde à leurs besoins ou à leurs budgets. Cela retarde donc certainement la mise en vente de certains biens sur le marché.
Tous les secteurs géographiques sont concernés ?
Julie Bedin-Pouquet : Depuis le Covid, les critères de recherche ont changé. Les acquéreurs veulent des biens en dehors des centres-villes, un peu excentrés, avec des extérieurs et une pièce supplémentaire pour le télétravail.
Yvette Bedin : Le centre de Bordeaux souffre par un manque de produits adaptés à la demande. Les biens en cœur de ville avec un extérieur sont rares. Les agences de la Rive Droite, celles de la première couronne autour de Bordeaux (Gradignan, Talence, Mérignac, Pessac...) ou celles du bassin d’Arcachon continuent de bien fonctionner.
Et quand on s’éloigne à 20 ou 30 kilomètres du centre-ville, vers Saint-André-de-Cubzac, vers Créon ou vers Coutras, on trouve des secteurs qui marchent beaucoup mieux qu’avant.
C’est à peu près la même chose à Toulouse.
Quelle est l’incidence de ces nouveaux critères sur les prix ?
Yvette Bedin : En centre-ville, les vendeurs ont encore du mal à se rendre compte que la demande est moins forte, donc les prix ne baissent pas trop pour le moment. Mais les prix montent en périphérie, là où les propriétaires ont compris que la demande s’accentue.
Comment vous adaptez-vous à cette situation nouvelle ?
Julie Bedin-Pouquet : Nous avons formé nos négociateurs, tout d’abord sur le protocole sanitaire pour que les visites se déroulent en toute sécurité. Nous avons ensuite mis en place un système de formation pour les aider à répondre aux questions que les vendeurs peuvent se poser notamment sur les visites ou le pouvoir d'achat des acquéreurs.
Nous travaillons aussi beaucoup sur l'exclusivité. Ce type de mandat donne confiance aux propriétaires. Et nous étudions les dossiers en amont pour qualifier les acheteurs et s’assurer que leur plan de financement est fiable. Notre objectif est de permettre aux propriétaires de vendre en toute sécurité et à un prix en adéquation avec le marché.
Yvette Bedin : La phase d’estimation a son importance. Pendant cette période, nous essayons de comprendre le projet du vendeur, avant même qu’il ne décide de mettre son bien sur le marché. Nous travaillons sur ce qui le fait hésiter, les freins qui l’empêchent de vendre.
Comme le marché a changé, nous nous rendons compte que nos implantations prestigieuses dans les grandes villes ne permettent pas de répondre à toute la demande. Nous allons nous développer sur ces première et deuxième couronnes, qui marchent mieux aujourd’hui grâce à des terrains plus grands et des prix moins élevés. Cela favorise la proximité. C’est ainsi que nous avons grandi jusqu’à présent : en ouvrant de nouvelles succursales pour proposer ces marchés de report à nos clients. Nous nous sommes fixés comme objectifs d’atteindre les 100 agences d’ici 5 ans.
Quels conseils pourriez-vous donner aux vendeurs et aux acquéreurs ?
Yvette Bedin : Aux propriétaires, je peux leur dire de vendre.
Il y une forte demande, les taux d’intérêts sont historiquement bas, c’est donc le bon moment !
S'ils attendent une remontée des prix, cela peut devenir difficile dans les centres-villes.
Enfin, confiez votre bien à une seule agence. Cela fait de votre bien une rareté, vous vous assurez de l’implication totale du négociateur et éviter les négociations de prix.
Pour les acquéreurs, je leur conseillerais de s’assurer de leurs capacités financières de manière à être très réactifs pour pouvoir se positionner sur l’achat d’un bien.
Avec la tension du marché, les biens se vendent en quelques jours, parfois même en quelques heures et les vendeurs privilégieront forcément des dossiers solides.
Je les invite également à contacter les agences pour intégrer notre fichier acquéreur.
Notre fichier partagé est un vivier que tous nos négociateurs utilisent pour trouver le bon acquéreur avant même de diffuser le bien à la vente.
Cela permet d’accéder à des offres qui ne seront peut-être jamais mis sur le marché.